Catherine Baÿ invite 6 artistes à interroger à travers nos mythes les socles sur lesquels se sont élevées nos civilisations ( de juillet 2021 à juin 2022 ).
Ninar Esber est la première de ses invitées. Après un mois de Résidence elle présente le résultat de ses recherches.
La peinture
Saturne (dévorant l’un de ses fils), 1820-1823 de Francisco de Goya y Lucientes peinte sur les murs de sa salle à manger, dans sa maison Quinta del Sordo, (par la suite transférée sur toile et collection du Musée du Prado), fut le premier choc visuel pictural que j’ai eu. Je devais avoir huit ans. J’étais fascinée par le regard du personnage, je pouvais sentir la pression de la mâchoire et des dents sur la chair.
Cet acte de cannibalisme, cette vision frontale d’une consommation du corps sans tête qui perd son identité et son humanité, résumait parfaitement l’ambiance de guerre civile qui régnait dans ma ville de naissance à cette époque-là.
En effet ce tableau est une parfaite représentation de ce qui se passe au Proche Orient et au Liban en particulier, encore aujourd’hui. Une classe politique dirigeante corrompue, criminelle, qui refuse de ceder le pouvoir et tue tous ceux qui protestent.
La mythologie
Selon la légende, Saturne (Saturne pour les romains et Cronos pour les Grecs), fut le roi des Titans : frère des cyclopes et des géants qui ont précédé les dieux de l’Olympe. Doté d’une force incroyable, affublé d’une faucille (son attribut), Saturne pris le pouvoir en tuant son père Ouranos, en enfermant ses frères et dévorant ses enfants au fur et à mesure de leur naissance. En effet une prophétie (de sa mère Gaïa) l’avait prévenu qu’un jour un de ses enfants le détrônerait et le chasserait du pouvoir.